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COMMUNIQUE N°3

Mars 2001


DE LA DECOMPOSITION SOCIALE...
Comment le Pouvoir paralyse "les classes dangereuses".


"L'urbanisme est l'accomplissement moderne de la tâche ininterrompue qui sauvegarde le pouvoir de classe : le maintien de l'atomisation des travailleurs que les conditions urbaines de production avaient dangereusement rassemblés.
La lutte constante qui a dû être menée contre tous les aspects de cette possibilité de rencontre trouve dans l'urbanisme son champ privilégié.
L'effort de tous les pouvoirs établis, depuis les expériences de la Révolution française, pour accroître les moyens de maintenir l'ordre dans la rue, culmine finalement dans la suppression de la rue.
[.] Mais le mouvement général de l'isolement, qui est la réalité de l'urbanisme, doit aussi contenir une réintégration contrôlée des travailleurs, selon les nécessités planifiables de la production et de la consommation.
L'intégration au système doit ressaisir les individus isolés en tant qu'individus isolés ensemble : les usines comme les maisons de la culture, les villages de vacances comme " les grands ensembles", sont spécialement organisés pour les fins de cette pseudo-collectivité qui accompagne aussi l'individu isolé dans la cellule familiale : l'emploi généralisé des récepteurs du message spectaculaire fait que son isolement se retrouve peuplé des images dominantes, images qui par cet isolement seulement acquièrent leur pleine puissance."

Guy DEBORD, La Société du Spectacle, 1967.

"La Mafia n'est pas étrangère dans ce monde ; elle y est parfaitement chez elle, elle règne en fait comme le modèle de toutes les entreprises commerciales avancées."

Guy DEBORD, Commentaires sur la société du spectacle, 1988.

"Consommez plus, vous vivrez moins."

Anomyme, Mai 1968.

 

 

Une jeunesse défavorisée dont l'unique rêve se confond avec le soucis de maximiser sa consommation des marchandises, dans un monde où la marchandise règne despotiquement, n'est pas une jeunesse condamnée. Elle est juste sans présent.
La critique radicale de la réalité mortifère du système spectaculaire-suicidaire-marchand ne peut être qu'historique et révolutionnaire
.
L'impertinence de l'analyse sociologique de la société et des troubles que celle-ci rencontre tient dans le fait que la sociologie est déjà une interprétation structuraliste et donc policière de la réalité propre à l'époque de la paralysie du développement historique total.

La relative violence de jeunes "issus de quartiers difficiles" (pour employer les mots du spectacle) qui pimente chaque jour le dégueulis des médias n'est ni la conséquence d'une "perte de repères", ni la résultante de "difficultés à s'intégrer", ni "inhérente au chômage de masse qui touche plus encore les habitants des cités", ni le produit "de trop de violence à la télé", encore moins le signe d'un phénomène jusque là inconnu de généralisation de la perversion du genre humain.
Cette violence ne peut être appréhendée en dehors du processus capitaliste de négation de l'individu et de la collectivité libres. Elle est l'aboutissement du processus de séparation généralisée.

 

L'époque que nous subissons quotidiennement a cela de fondamentalement tragique qu'elle n'est plus que le témoin de la survie prolongée s'auto-contemplant, où les opprimés sont à ce point infectés par l'idéologie marchande qu'ils ne font rien d'autre que réclamer la dégradation de leur condition.
Il est donc très facile aujourd'hui de tirer directement du réel de multiples portraits de cette humanité qui mute à l'envers (de la conscience émancipatrice vers la bestialité artificielle) ; une société dont l'essence est la vulgarisation du mode de survie spectaculaire ne peut que se conforter dans la saturation des hurlements de la médiocrité.

Rappelez-vous : Combien étaient-ils, ces partisans de l'isolement festif, ces infirmes de l'imagination, ces impuissants sociaux, à sortir sur l'espace public pour serrer dans leur bras, des sanglots plein la gorge, une foule solitaire venue déifier des hommes filmés jouant au ballon ? Des centaines de milliers, des millions ?
L'Histoire se souviendra qu'en ces temps de folie sociale, les exploités avaient réussi à former une masse assez nombreuse dans la rue pour emporter le Pouvoir mais qu'il ne s'agissait finalement que de glorifier la première place d'une équipe de football à une compétition internationale.

Les enterrements sont, pour la fausse conscience, des fêtes.

 

La boucle est bouclée, plus rien ne viendra menacer la Bourgeoisie.
La classe du suicide global a réussi à évincer pour très longtemps son ennemi historique fondamental : le Prolétariat.

Militairement, les chances sont quasiment nulles de voir dans un futur proche les masses triompher sur les forces de défense du Capitalisme. Il suffit de constater l'extraordinaire niveau de surveillance atteint par les structures de domination pour se convaincre qu'il est désormais presque impossible d'organiser et de réussir une insurrection armée. Mais la difficulté majeure pour ceux qui tentent de résister à l'asservissement marchand réside dans l'abrutissement général de la masse.

C'est bien dans les têtes, sur le front de la pensée, que le système de la séparation a remporté ses plus éclatantes victoires.
Il y a seulement 30 ans, l'armée était en état d'alerte autour de Paris pour aller réprimer l'élan séditieux de toute une fraction de la jeunesse, étudiants, ouvriers et "voyous", que le dégoût d'être exclue de la vie avait poussés à la rébellion.

Aujourd'hui, la violence des jeunes traduit la misère matérielle, psychologique et intellectuelle dans laquelle ils sont tombés. On est bien loin de la puissance révolutionnaire quand on joue le caïd dans son quartier ou qu'on viole une meuf. La prétendue redoutabilité des "racailles" masque leur extrême fragilité face à une société qui leur a donné un rôle social qu'ils acceptent sans broncher.

 

Le mal n'est, bien sûr, pas venu par les hasards de l'Histoire. Et si la catégorie de population la plus dangereuse hier est la même qui aujourd'hui souffre en silence, voire en acquiesçant, c'est parce que l'apprentissage de la soumission s'est effectué par la force.
Dès le milieu des années 70, la décomposition sociale dans les quartiers populaires est devenue, pour les Etats occidentaux, un objectif à atteindre. A présent, la situation dans nombre de pays industrialisés est acquise. Les anciens militants radicaux noirs aux U.S.A. pourraient en parler.

Face à la montée en puissance de forces révolutionnaires dans les ghettos des grandes villes nord-américaines, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les services de sécurité américains ont élaboré de nouvelles stratégies de défense intérieure.

On se souvient comment les émeutes de Watts de 1965 et toutes celles qui suivirent (Harlem, Roxbury, Newark, Detroit, Filmore Avenue à San Francisco, Oakland. etc) furent réprimées dans le sang.
Les Black Panthers, par ailleurs, furent désorganisés par des manipulations du FBI.
Quant à MOVE, groupe alternatif noir, fondé en 68, il fut anéanti par une bombe incendiaire lâchée d'un hélicoptère du FBI sur l'immeuble qui l'abritait le 13 mai 1985.

 

C'est avec le choc de la révolution sandiniste au Nicaragua, en 1979, que les services secrets américains vont systématiser des techniques de contrôle social dans les quartiers pauvres des mégapoles américaines, en généralisant le buisiness de la drogue.
En 1981, Ronald Reagan décide de soutenir la Fuerza Democratica Nicaraguense, guerilla anticommuniste, pour s'opposer au gouvernement de Managua..
.
Cette armée de mercenaires, mieux connue sous le nom de CONTRA, ne se contente pas des crédits que lui accorde le président des Etats-Unis de l'époque, elle cherche des sources de financement parallèles.
Employés par la CIA, les Contras organisent d'abord un trafic de cocaïne à Los Angeles par l'intermédiaire de Rick Ross, un jeune afro-américain de South Central dont les principaux clients sont, entre 1981 et 1986, de nombreux gangs de Los Angeles, parmi lesquels les Bloods et les Crips, célèbres pour avoir été mis en scène dans les films Colors et Boyz in the Hood.

 

Mais la Coke, trop chère, ne se vend que par petits stocks, trop peu nombreux pour obtenir le pognon nécessaire à l'équipement d'une armée contre-insurrectionnelle.
C'est alors que surgit l'idée de transformer la cocaïne en crack par un procédé chimique très simple permettant d'une part d'augmenter la quantité, d'autre part de surmultiplier les effets d'une substance faite sur mesure pour susciter la dépendance. Il devint ainsi possible de vendre de petites doses, à bas prix, dont l'effet était spectaculairement plus fort.

Le succès fut foudroyant, à travers Ross, les Contras pouvaient vendre jusqu'à 2 ou 3 millions de dollars par jour. Bientôt l'épidémie de cette drogue dévastatrice allait gagner tous les ghettos des grandes villes des Etats-Unis. Les populations y habitant n'allaient plus réfléchir et s'organiser autour des causes de lutte sociale mais sombrer dans le cycle infernal de la violence, de la dépendance, de la prison et de la mort. Le spectacle du "gangsta rap", du pèze à porter de main, des mafias sous-prolétariennes, pouvait dès lors s'épanouir sur ce fumier, avec la bénédiction de la Bourgeoisie nord-américaine.

 

En France, malgré le tapage médiatique et, pendant des années, la protection de la police du marché embryonnaire dans le 18ème arrondissement de Paris, le deal du crack n'a pas pris.
La raison, évidente, est à chercher du côté des intérêts des services spéciaux français qui n'ont rien à voir avec la cocaïne, sous monopole américain, mais qui résident plutôt au Maroc ou en Birmanie, les pays du haschich et de l'héroïne.

De nombreux documents et témoignages soupçonnent Pasqua et Chirac d'être à la tête, depuis des années, du plus gros trafic international de ces 2 stupéfiants. La France fournirait 90% de l'héroïne aux Etats-Unis.

C'est ainsi que des zones servent, sur le territoire français, de point de réception et de diffusion d'héro et de shit nécessairement libre de toute présence policière efficace pour éradiquer le trafic qui s'y déroule. Qui ne se souvient pas des dealers en grosses bagnoles qui écoulaient impunément, aux vues et aux sus des pouvoirs publics, leur infâme camelote dans les cités, au début des années 80 ?

 

A la même époque SOS RACISME naissait, association dont l'unique fonction politique est de maquiller les dégâts de la ségrégation de classe, de l'urbanisation de la séparation, toutes deux conséquentes et nécessaires à l'exploitation capitaliste, en conflits de races et de communautés.

Plus récemment, STOP LA VIOLENCE, le très médiatique manifeste présenté comme une initiative de jeunes souhaitant combattre la violence dans leur quartier a connu un cuisant échec.

Au cour de cette opération se trouvaient en réalité deux journalistes, Christophe Nick et Pierre Péan, ainsi que David Assouline, conseiller municipal PS dans le 20ème arrondissement de Paris.

Le Réseau Voltaire fut le premier à révéler cette affaire : "Le 12 décembre 1998 s'était tenu à l'Assemblée nationale un colloque interne au Parti socialiste sur le thème : "Justice et sécurité", auquel participait notamment David Assouline. A cette occasion, les délégués socialistes préconisèrent un enracinement dans les banlieues à partir des comités de quartier. Constatant qu'il manquait au PS une organisation capable d'occuper le terrain, ils recommandèrent qu'un tel mouvement soit non pas axé sur la question du racisme mais sur celle de la sécurité dans les quartiers, et qu'il soit initié par des jeunes. Deux mois et demi plus tard, le manifeste voyait le jour."

 

Dans le mensonge généralisé, c'est toute la société qui se ment à elle-même, et la jeunesse des bas-fonds est loin de faire exception.
En soi, la délinquance peut être une force de renversement de l'ordre établi, mais uniquement lorsqu'elle s'appuie de près ou de loin sur un projet révolutionnaire.
Souvenons-nous que jusqu'aux années 80, on passait pour un tocard quand on volait l'ouvrier. Les "coups" étaient à faire dans les quartiers bourgeois.
Aujourd'hui les sous-cultures de business illicites, dans les zones à population pauvre, sont produites par des mecs plus proches d'un Alain Madelin (ancien du groupuscule d'extrême droite "Occident") que de Jacques Mesrine.

Le vrai problème est que cet arrivisme est conforté par le conditionnement des instruments de communication de la classe dominante (radios, télés) qui voit dans cette attitude la porte d'entrée sur les cerveaux de la jeunesse pour y déverser toutes les ordures du monde marchand.
Et les exemples fusent. Il n'y a pas si longtemps, sur SKYROCK, l'objet d'une émission de plus de deux heures consistait tout simplement à ce que le célèbre groupe de rap "113" sillonnât les rues de la capitale avec le dernier modèle d'une grande marque de scooters pour en faire clairement la publicité...

 

La conséquence est que les jeunes générations de milieu populaire ont souvent des conceptions du monde semblables à celles des pires conservateurs d'il y a cent ans (liberté par l'accumulation financière, bonheur par la consommation et dans la famille) alors que même un riche actionnaire pourrait aujourd'hui tirer à l'évidence que ses propres enfants seront condamnés à vivre dans un univers rendu toujours plus hostile, pour que le capitalisme subsiste, aux conditions de survie biologique de l'humanité.

La décomposition sociale est donc l'aboutissement du contrôle des couches de population potentiellement dangereuses pour le pouvoir de classe... Plus elle se développe, plus elle se renforce, à l'image des flics toujours plus nombreux sous le prétexte de combattre la délinquance, tandis qu'en vérité, ils accompagnent sur le terrain la mise en place progressive d'un nouveau totalitarisme politique...


 

 

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