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COMMUNIQUE N°8

Mars 2002

Les Mutants

 

" Nous vivons ce temps où le développement triomphal de l'industrialisation du monde a largement fait admettre aux contemporains que dans sa poursuite ininterrompue s'incarne tout l'avenir du genre humain. On en est à se persuader ici ou là que les métamorphoses du salariat, la filtration et le reconditionnement des polluants industriels, la revanche des biologistes sur les physiciens, combinés à l'assujettissement de masse à l'informatique et aux autres modalités envisageables d'artificialisation de la vie, marqueraient l'avènement d'une ère post-industrielle. Une telle logique ne peut qu'aller à son terme. Elle veut prouver qu'on peut priver l'humanité de toute base arrière, l'abasourdir au point de l'amener à liquider elle-même les ultimes témoignages résiduels d'autres conceptions de la vie. "

René RIESEL,
Déclarations sur l'agriculture transgénique et ceux qui prétendent s'y opposer,

Editions de l'Encyclopédie des nuisances, 2001.


" Car on commence à rencontrer partout les prototypes ébauchés de l'homme nouveau créé par la bourgeoisie, réellement adapté à son époque, avec ses mille figures dont la plupart sont détestables. Hygiénistes, sympas, tolérants (de la fausse tolérance octroyée par le pouvoir), prêts à toutes les ruptures car leurs engagements ont été faibles, soumis au pouvoir en place et par avance à tous les pouvoirs à venir pourvu qu'ils leur garantissent leur confort, n'exerçant leur liberté que par le refus de toute responsabilité. Pour eux, là où il n'y a pas de publicité il n'y a pas de liberté, et là où il n'y a pas de supermarché règne la pauvreté. Ils ne sont pas tous des possédants, quoi que la plupart aspirent à le devenir et que cet espoir fragile soit parfois devenu le sens unique de leur vie, puisque l'accession à la propriété demeure l'un des vecteurs essentiels qui contribuent à la dynamique de la société. Mais ils aiment ce monde qui d'une certaine manière est devenu le leur, produit à leur usage et pour les conforter dans leur état, par le désir d'accumulation qu'il suscite et entretient remarquablement même chez les plus pauvres. Ils aiment son horizon technologique qui les fascine, les jouissances qu'il autorise, sa promesse de bonheur sans cesse différée mais à laquelle pour rien au monde ils n'entendent renoncer, et c'est pour eux qu'on produit cette idéologie du consensus, de l'ouverture, du droit à la différence, du respect béat de toutes les cultures, de la tolérance et du fair-play, variante édulcorée d'un christianisme utilitaire et débarrassé de tout ce qui gêne.
(...)

Mais il est aussi faussement révolté, l'homme nouveau, provocateur, antisocial, déterminé à se rendre partout insupportable. Et dans ce cas, ce type de bêtise crasse, insolente et sans joie qu'on rencontre dans toutes les classes de la société ne veut pas seulement être tolérée. Elle s'affiche, insolente, parle fort et entend prendre toute la place que notre hésitation à lui répondre lui ménage. Et même le petit bourgeois le plus inoffensif et protégé, s'il se veut émancipé, nous gratifiera lui aussi du rictus haineux et dur pêché dans les films américains, attribut ineffable et dérisoire de la virilité d'aujourd'hui et manifestation inévitable du culte de son moi. Car les plus timorés veulent prendre le train en marche pour profiter de cette nouvelle licence, de cette autorisation qui leur est octroyée de se défouler sans risque. Drapés dans l'imparable affirmation du droit de chacun à sa liberté individuelle, ils veulent prendre leur part, comme les autres, insulter les fonctionnaires de service et voler dans les magasins quand c'est facile. Tout cela (et le reste), permettant de singer la révolte sans risquer grand chose, car ces comportements qui se veulent originaux et rebelles, alors que l'originalité fait aujourd'hui partie de la norme, ne se traduisent bien souvent que par l'exploration des voies les plus directes de la frénésie consommatoire. "

François LONCHAMPT- Alain TIZON,
Votre révolution n'est pas la mienne,

Editions Sulliver, 1999.

 

 

On ne joue pas face à une société dont la finalité est le cataclysme général. On la combat, lucidement.
Les paroles du plus célèbre des chants révolutionnaires "l'Internationale" ont cela de pathétique qu'aujourd'hui la classe qui mène la lutte finale n'est pas le Prolétariat mais bien la Bourgeoisie. Et cela passe par la destruction de toutes les dispositions qui, chez l'humain, pourraient encore permettre l'avènement du Communisme.
Dès lors, au stade où l'ennemi a connu tant de victoires que toute la réalité finit par parler en son nom, ceux qui prétendent s'opposer à la domination doivent avant tout entreprendre la reconquête du langage.

Du pain et des Jeux : Scène sur les
Champs Elysées lors de la victoire
de l'équipe de France de football...
ou la récupération de la ferveur populaire.

Dans cette optique, l'action que nous menons, aussi faible soit-elle quant à ses moyens, vise à attaquer l'idéologie marchande sur un terrain où elle est d'autant plus puissante que ses proies sortent tout juste de l'enfance.

Là, on ne nous attend pas. Là, nous nous attarderons donc à affûter la critique dangereuse du jeune prolo-consommateur, faux rebelle et tellement convaincu des bienfaits des marchands. du jeune con tant répandu dans nos "sociétés d'abondance" et si bien façonné au goût de la Bourgeoisie.

Nous avertissons que rien n'excuse la lâcheté, la soumission et la facilité de l'inculte imbécillité, quand bien même elles seraient encouragées par le pouvoir aliénant du Capitalisme. Le marxisme, d'où qu'il vienne, a trop joué avec le concept d'aliénation pour tout expliquer et d'abord que la classe ouvrière ne fait pas la Révolution.

 

K Special, groupe de rap français arborant un t-shirt "Com 8",
symbole de sa pseudo-révolte.

En ces temps paumés, nombre de pseudo-contestataires se réfugient derrière les certitudes d'une ancienne radicalité devenue obsolète : le culte du voyou, le respect du loubard propriétaire instinctif de la vérité révolutionnaire, persistent dans le pourrissement du gauchisme.

Nombreux sont ceux qui, chez les libertaires, se cantonnent à réciter des préceptes vieux d'au moins trente ans et qui précipitent, d'ailleurs, leur misérable pratique vers un soutien croissant à ce qu'ils clament combattre. Ce rabâchage, qui trahit un sommeil profond de la critique, conforte moult clichés officiellement répandus par le Spectacle, et notamment les préjugés à propos de sections fictives du Prolétariat, dénommées médiatiquement "jeunes de cité". Rien d'étonnant donc si les organisations anars évitent toute polémique au sujet de l'offensive idéologique ultra-conservatrice qui tente massivement d'imprégner la jeunesse pauvre.

Copie d'écran du site de l'émission
"Réveil Hip-Hop", véritable vitrine
commerciale d'S-Team Records...

Le fait, par exemple, que sur les ondes de Radio Libertaire, la "Voix de la Fédération anarchiste" en région parisienne, se distinguent des émissions de "Hip-Hop" telles que "Réveil Hip-Hop" dont le ton est explicitement celui du business (voir www.reveilhiphop.fr.fm) révèle qu'on a jugé nécessaire de céder des plages-horaires à des représentants de commerce pour l'unique raison qu'ils sortent tout droit de la "Banlieue" et que leur présence dans un studio "anarchiste" alimente le fantasme qu'ils sont, avec leur air si déterminé, les insurgés de demain !

Tout aussi pitoyable est l'illusion qui transforme les actes de petite délinquance en points de rupture avec le monde marchand, à partir desquels la société sans classe va naître. Il est certain que de telles arguties ne peuvent germer que dans la tronche de ceux qui sont à l'abri des coups. Et les coups, ce sont, majoritairement, les habitants des quartiers populaires qui les prennent. pas les bourges du 7ème, 8ème ou du 16ème arrondissement de Paris, et c'est bien là le problème.

C'est pourtant logique, quand on sait que le Pouvoir planifie la décomposition sociale des couches les plus pauvres de la population tout en accroissant ses fonctions répressives. Parce qu'il connaît une profonde crise, le système capitaliste ne peut plus octroyer d'aide minimale au nombre croissant de ceux qu'il exclue.

Par conséquent le sécuritarisme partout à l'ouvre ne répond pas à une réelle montée de la violence mais résulte de l'affaiblissement de la société de classes contrainte aujourd'hui de traiter la misère en ennemie, comme ce fut le cas en Grande Bretagne à la fin du XIXème siècle.
Rien d'étonnant donc de voir les dominants s'efforcer de créer eux-mêmes des situations de violence pour justifier dans un second temps la répression.

Ainsi, les partis politiques de la gauche plurielle, de droite et d'extrême-droite, n'hésitent pas à déclencher des émeutes dans des quartiers qu'ils disent "sensibles", soit en provoquant les jeunes, soit en payant carrément certains d'entre eux pour tout casser. Il faut rappeler, ici, que la plupart des armes circulant dans les "cités" y sont préalablement répandues par des réseaux organisés et contrôlés par l'extrême-droite, dont les contacts dans les Balkans s'avèrent fructueux (tout ça avec l'agrément de l'ONU, bien sûr).
L'électorat, apeuré, n'a plus qu'à réclamer les politiques de flicage que toutes les formations politiques bourgeoises n'attendent qu'à instaurer, en appliquant ce que les FN et autre MNR ont toujours voulu voir au goût du jour.
L'objectif est atteint : les vaches sont bien gardées, et avec leur consentement de surcroît !

 

Rost et CMP, rappeurs pris en photos
devant l'Hôtel Martinez, à Cannes,
pour le magazine Radikal...

Lorsque tout est fait pour atomiser la classe ouvrière, affaiblie par le chômage de masse, et pour effacer la conscience objective qu'elle a d'elle même afin de mieux l'exploiter, des mafias se développent dans les bas-fonds et ne font qu'accélérer ce processus.

Chez cette catégorie informelle de business-men issus de la misère, ralliée à la fierté de soi sans limites, qui communique principalement sur le mode de la dérision agressive, de la fourberie intéressée et de la rigidité caractérielle, la classe dominante a trouvé un de ses plus solides alliés.

C'est pour cela qu'il est facile de comprendre pourquoi les pouvoirs publics se font moins présents dans certaines zones où réside le Prolétariat, dont le contrôle par la férocité quotidienne de quelques petits mafieux s'est avéré plus efficace que n'importe quel dispositif étatique. Et puis, pour que le trafic de drogue puisse se faire sans problèmes, mieux vaut, parfois, que la flicaille soit éloignée. L'enjeu est de taille puisque des grandes fortunes sont impliquées tout comme les financiers des partis politiques et des services secrets. Les dealers ne sont pas que dans les rues. Allez voir chez certains "partenaires de terrain" des Communes de Corbeil-Essonnes et d'Evry. Renseignez-vous sur la composition de l'équipe municipale de Créteil, par exemple !

Justice nulle part, police partout.

La minorité de fils d'ouvriers devenus "petites frappes" à la solde du Pouvoir voit sa fonction sociale fortifiée et décuplée dans ses effets par l'attention pernicieuse que lui porte l'alarmisme promoteur des professionnels de tous les médias du monde riche.

S'ils sont la face cachée de la terreur policière grandissante, ces militants primaires de la réification de la vie constituent l'extrémisme d'un mouvement bien plus large par lequel la bourgeoisie convertit les exploités au culte de la marchandise totalitaire.

Subir ces nouveaux fanatiques qui tentent de combler vainement le vide frustrant qu'engendre la consommation en intensifiant celle-ci par tous les moyens, est une peine de chaque instant.
Il est désormais coutume, pour ces mutants, d'ignorer activement la misère des conversations en boucle autour des jantes de bagnoles, du dernier match de foot, des projets d'existence dérisoires à la "Bernard Tapie", du "auch du quartier qui peut s'pécho la meuf qu'il veut", "du biz de te-chi" ou du Dieu, Allah, Yahvé ou Jéhovah qui pardonnera, de toute façon, la crapulerie journalière.

Et, pour s'assurer que la stupidité pollue efficacement les rapports quotidiens, des gardiens de la foi consommatrice nous rappellent constamment à l'ordre, tels ces rappeurs parvenus pour qui aboyer des louanges au pognon est devenu un métier à part entière.

Si l'idéologie de sacralisation de l'aliénation consiste présentement à effacer toute trace laissée par la praxis c'est parce qu'aujourd'hui l'être humain lui-même s'avère être un frein au développement du capitalisme.
Aussi, le système doit tout remodeler, quitte à opérer des modifications en profondeur des corps (manipulation génétique, cybernétique.) et des pratiques sociales, aux conséquences forcément imprévisibles et certainement apocalyptiques...
L'enfer n'est plus un mythe, il sera bientôt la seule gratuité que nous pourrons offrir à nos enfants.

 

Séquence télévisée.

La marchandise, dans son processus de colonisation de la vie, nécessite donc maintenant l'existence d'une créature humaine nouvelle aux comportements qui sauront faire reculer la menace d'un effondrement global provoqué par la baisse tendancielle du taux de profit et la saturation des marchés.

Cet humain là ne poursuit qu'un but, le confort, pourvu qu'il condamne la difficulté de réfléchir et toutes les sensibilités fondamentales susceptibles de se heurter à la logique de l'intérêt, comme l'exige l'Economie.
Cela explique pourquoi les crétins des "radios jeunes", les candidats au viol par des émissions télévisées fascisantes, et la multitude de leurs clones anonymes peuplant ces pays dits "développés" paraissent mettre tant d'entêtement à glorifier la survie.
C'est peut-être aussi parce que la marchandise annonce qu'elle continue de récompenser les exploités. toujours plus difficilement cependant.

Propagande publicitaire pour Nike.

Aussi, pour accéder au paradis de la consommation aliénée, quelques débiles sociaux doivent abandonner toute leur intimité, tant instinctive, affective que sexuelle, à la contemplation de téléspectateurs fascinés par ce nouveau pouvoir de créer de l'essence humaine dont dispose désormais le Spectacle.

La subjectivité artificielle se modèle petit à petit, le temps de broyer chaque obstacle retardant la venue de cette masse uniformisée à la fois dans son mode de vie et dans son intimité que le totalitarisme spectaculaire-suicidaire-marchand appelle.
Pour accélérer le processus qui mettra définitivement fin à la conscience de classe, l'idéologie marchande revêt cet apparat qu'elle sait si bien utiliser en temps de guerre : la propagande.

 

Difool à l'antenne de Skyrock,
la "radio jeunes" dont l'audience augmente
sans cesse auprès des plus jeunes...

Aussi, comme catégorie de consommateurs particuliers parce que subissant de plein fouet les contradictions du système capitaliste, la jeunesse populaire fait l'objet d'un traitement spécifique consistant au matraquage cérébral discontinu de propos rétrogrades dont la pauvreté langagière n'égale que leur euphorie devant le consommable.

Il s'agit en l'espèce de s'assurer que ces futurs parents d'enfants génétiquement modifiés seront à même de défendre jusqu'au bout le système qui les entraîne au fond de l'abîme. Il faut en plus de son soutien actuel à la terreur marchande que la classe prolétarienne ne puisse réagir intelligemment face aux catastrophes que la domination lui prépare, et, en premier lieu, les bouleversements écologiques et le totalitarisme politique.

Cocoa Brovaz, 2 rappeurs américains
clownesques, bardés de publicités
et d'amulettes...

Dans l'arsenal des dispositifs innombrables servant à l'abêtissement des masses, le "HIP-HOP qu'on voudrait nous vendre" * est l'arme perfectionnée pour un appui tactique à la décomposition sociale.
* Citation de SHEEK, rappeur de la première heure dans le groupe NEC PLUS ULTRA.

La quête effrénée de la minimisation des coûts de production souille cette forme musicale originellement gratuite et la transforme en fer de lance de toutes les vulgarités, n'étant plus que la force d'attraction privilégiée de la plus basse médiocrité.

Par cette dynamique les tenants du rap commercial (et tous ceux aspirant à le devenir) s'accomplissent en porte-paroles excités des pires ordures idéologiques, s'illustrant plus par pauvreté mentale que par réel engagement, en s'acharnant à consolider le décalage entre les conditions objectives d'exploitation et la perception faussée qu'en a leur public atomisé.

Quand ils ne jouent pas les révolutionnaires de supermarché, ces soldats de la foi marchande tentent de réhabiliter violemment le machisme après deux siècles de lutte des femmes, s'en remettent au "tout puissant" malgré le crépuscule des idoles, partagent les certitudes archaïques des couches les plus conservatrices de la société.

 

Un des manifestants officiellement
décédés lors de la récente crise
révolutionnaire en Argentine.

A l'heure de la dégradation massive et irréversible des conditions de survie biologique de l'humanité, de l'éradication globale des forces productives, de la généralisation de la guerre privée, de l'obstination destructrice du Capitalisme pour en finir avec la vie, la stupidité de ces prises de position réactionnaires ne peut nous cacher qu'elles sont aussi et surtout suicidaires.

Derrière ces comportements stéréotypés et purement spectaclistes, une barbarie moderne se profile.
Au travers de ces caricatures d'aliénés d'un autre temps, c'est bien la société de classe en putréfaction qui nous ordonne de nous stopper sur le chemin de la libération, nous forçant de crever avec elle !

 

Une théorie ne peut être révolutionnaire
que si elle se base sur la pratique.
Le reste n'est que du spectacle...


Rapaces

 

 

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