Edito - Novembre 2009
Le 10 octobre 2009, RAPACES, Y.C. de Ni Patrie Ni Frontières, nos camarades de Militant, et de Sinistre Spectacle avons organisé une rencontre au sujet de la lutte classe en Corée et plus particulièrement du conflit intervenu cet été à l’usine de construction automobile Ssanyong à Pyeongtaek (70 km de Seoul). Sur proposition de Loren Goldner, nous avons accueilli 4 militants coréens du réseau « Democratic labor's solidarity ». Cette formation politique, qui se définit comme anti social-démocrate, anti avant-gardiste et ouverte à quiconque souhaite y collaborer, se compose principalement de travailleurs de la métallurgie et des Telecom, répartis en 6 groupes sur le territoire coréen. Conviés au congres de l’Entente Internationale des Travailleurs et des Peuples, structure internationale du POI, nos invités ont tenu à débattre au sujet des orientations du parti lambertiste, ce qui nous a permis de leur préciser nos propres positions. C’est ce que nous fîmes dans une première partie de soirée. Puis, les coréens procédèrent à un exposé sur la lutte à Ssanyong, lequel fut suivi d’échanges avec la salle, qui comptait une cinquantaine de participants. Enfin, H.S du réseau « Echanges et Mouvement » a brièvement abordé les récents conflits sociaux en France. I) Sur la lutte contre l’Union Européenne que préconise le POI. Les questions des camarades de « Democratic labor's solidarity » portaient principalement sur la priorité du combat contre l’Union Européenne dans le cadre de la lutte des classes, ce qui est l’axe stratégique du POI. Certains d’entre nous connaissent assez bien l’ex Parti des Travailleurs pour en avoir été membres ou compagnons de route. II) Exposé de nos camarades coréens sur la lutte à Ssanyong. La grève de Ssanyong motors a duré 77 jours, du 22 mai au 6 août 2009 et elle a mobilisé 800 travailleurs sur les 4500 de l’usine. En faillite en 2005, Ssanyong, quatrième constructeur automobile sud-coréen, a été vendu par Hyundai à SAIC (Shangai Automotive Industry Corp), entreprise chinoise. A l’époque, les ouvriers de Ssanyong voyaient dans cette transaction une manoeuvre de SAIC visant à faire main basse sur la technologie de Ssanyong au détriment de l’investissement. En 2008, Ssanyong connut un effondrement de son chiffre d’affaire. Comme prévu, SAIC ainsi que la Banque européenne de développement refusèrent de la soutenir financièrement ce qui provoqua sa mise en redressement judiciaire en janvier 2009. Dans un premier temps SAIC proposa de licencier la moitié des effectifs de Ssanyong (2500 des 4500 employés de l’usine). Jusqu’à avril 2009, elle mit à la porte, sans coup férir, des centaines de travailleurs précaires (qui ne signent pas de contrat de travail avec l’employeur mais avec des agences d’intérim), catégorie qui constitue plus des deux tiers de la main d’œuvre coréenne. Le mois suivant, elle s’attaqua aux « salariés à vie » (en Corée, cette fraction du prolétariat est liée à son patron par un engagement à travailler à vie, moyennant des salaires plus élevés, une sécurité de l’emploi et d’autres avantages tels une couverture sociale, un logement…). En réponse, 800 travailleurs occupèrent l’atelier de l’usine, endroit hautement stratégique puisque renfermant des substances dangereuses parce que toxiques et inflammables. Une intervention policière devenait alors très délicate. Les négociations entre les syndicats et la direction ramenèrent le nombre de licenciés à 400, auquel il fallait rajouter 400 mises en disponibilité (un an de congé sans solde ou affectation sur des postes de commerciaux en attendant une réintégration dans l’emploi initial). Différents affrontements très dures opposèrent les grévistes aux forces de police et aux « jaunes » (salariés non grévistes, principalement constitués de cadres et flanqués de petits délinquants). Les assauts successifs des éléments étatico-patronaux furent repoussés par les occupants de l’usine qui s’étaient dotés d’une organisation de défense efficace, faisant preuve d’une forte ténacité et d’une grande ingéniosité tactique. Les forces spéciales ne réussirent à procéder au délogement des ateliers de peinture qu’avec une violence extrême. Un accord signé le 6 août 2009 mit fin au conflit. Nos camarades considèrent que cette lutte est un échec pour diverses raisons. D’abord parce que la répression continue et de manière individuelle. Plusieurs dizaines de travailleurs sont poursuivis pénalement. Les condamnations sont tombées et des peines d’emprisonnement ont frappé certains grévistes (jusqu’à 1 an et demi d’enfermement). Deuxièmement, parce qu’il n’a pas existé de solidarité telle que les salariés à vie fissent cause commune avec les précaires. La seconde catégorie n’a bénéficié d’aucun appui de la première. Troisièmement, parce que les syndicats ont gardé le monopole de la direction de la lutte, sans que les travailleurs n’aient leur mot à dire. La bureaucratisation des syndicats, jadis organisés par branches et usines, maintenant centralisés au niveau national engendre une fracture entre les intérêts des dirigeants et la base. Enfin parce que la conscience politique de la majorité des travailleurs a manqué, lesquels se sont mobilisés précipitamment et trop tard, c’est à dire quand leur situation immédiate était menacée. III) Synthèse du débat avec l’assemblée. Nos amis coréens nous ont confirmé que l’approvisionnement en vivres avait été préparé pour faire durer au maximum la grève et une fois le conflit entamé, supervisé par les syndicats. La fatigue ne nous a permis que d’effleurer la question de la lutte des classes en France. Nous conseillons vivement la lecture des écrits de Loren Goldner suivants : Quelques vidéos : |